Au début on avait des tas d'envies. De grands rêves dont on ne disait rien mais qui prenait toute la place.
Et puis à force de reproches on a jeté les envies à la poubelle. 

Au début on avait le coeur sous cloche, bien accroché.
Et puis à force de cajolerie, à force de peur des autres pour nous, on n'a pas fait gaffe, on l'a ouvert à tous les vents, et on a pris peur aussi.

Au début on avait des rires à n'y même pas penser.
Et puis on les a jeté avec les rêves, avec notre coeur, tout aux ordures en passant. On a pris les larmes et les armes contre nous. Et les larmes nous ont déserté. On est resté là, stupide, abruti, on a regardé le temps passé.
Et quand on a vu qu'on était pas mort, on s'est relevé, on pris nos lambeaux de coeur pour s'en faire un manteau. 

Maintenant on est plus fou, on ne se laissera plus avoir, toutes les tendresses ne nous auront plus.
On a face à soi, contre soi, des corps éphémères et qui nous consolent un moment. En dedans on ne peut rien contre l'incrédulité grandissante et qui repousse toute possibilité. Il n'y a rien à faire, nous sommes seuls.




Il faudrait que je cesse d'avoir des certitudes sur ma vie, je tombe trop juste tout le temps.

"Mais j'ai mal au ventre et j'entends vos voix
Les chansons ça s'inventent mais la vie on peut pas
Mais j'ai mal au ventre et j'entends vos voix
Mon passé me tourmente, de futur j'en veux pas"

"T'as toujours mal au ventre quand ça t'arrange!" m'avait-il reproché une fois. Je n'avais pas su que répondre, surprise. Peut-être était-ce vrai. Peut-être que ces reproches, ces discutions que je ne voulais pas avoir, je les évitais ainsi. Mais ce n'était pas feint. De toute façon j'ai tout le temps mal au ventre. En tout cas durant toute cette année-là c'était vrai. Finalement depuis que tout est fini, ça va mieux.
 

Elle a encore dit qu'elle ne me comprend pas. C'est définitif et ça va pas en s'arrangeant. Mais c'est qu'elle, elle fait avec ce monde, comme s'il n'y avait qu'un chemin à suivre. On peut vraiment se contenter de ça?! Accepter de passer à côté de tant de choses, sans réellement le choisir? Ou bien je me trompe et elle a fait ses choix. Oui mais ses regrets qui reviennent comme une rengaine, de plus en plus souvent.
Et leurs "ne fait pas comme moi". Bah tiens, et je fais comment moi? 
C'est que cette petite vie humaine, ça ne m'intéresse pas. Toutes les obligations me rebutent avec une force stupide et implacable. A tout prendre je ne vis que pour les moments passés au bord de l'infini.

Il y en a qui demandent, "et sinon, à part pour l'argent, tu fais ça pour quoi?" Pour rien. C'est déjà bien de faire ça pour l'argent, non? On  pourra me dire ce qu'on voudra, le soleil et la liberté ça se paye. (Malgré toute mon assurance, je ne suis pas certaine de rester intacte très longtemps en restant à la rue. Et là il y a le meilleur comme le pire. Je regrette le meilleur, mais je ne supporte pas le pire, alors j'aurai de l'argent.)

Il a dit qu'il y avait des tentatives de suicide qui n'étaient pas physiques. C'est indéniable. J'ai passé des années à tout briser systématiquement en moi et pour la beauté du geste. 
Mes rêves m'aident.
J'ai tout fait pour être oubliée, noter bien. Malgré tout ça me blesse pas mal d'avoir été oubliée à ce point. En fait maintenant quitter facebook c'est une vraie mort sociale. Même pour les plus anciens amis. Même pour ceux qui t'ont toujours souhaité ton anniversaire par sms et les premiers. Je n'ai pas envie d'être sensible à ça. Mais je n'y arrive qu'à moitié. (ça m'énerve parce que je ne veux pas être blessée par un truc aussi stupide, je suis la première à ne pas faire gaffe au calendrier).
Mes derniers rêves étaient morbides. 

 

Et puis on l'a perdu, l'infini et tout le reste. Y a des garçons partout entre nos amours de filles et une vieille fidélité obstinée me le reproche sans cesse.
Un jour il faudra me crever à coups de n'importe quoi, me balancer d'une fenêtre et que je m'écrase tout en bas, bousillée et définitivement inutilisable.
Il faudra me dire des mots déchirants, arracheurs d'oeillères et des oeillades énucléeuses, il faudra me pourrir, m'arracher à ma tête et me mettre en face toute l'inanité de mes pensées, de mes refus, de mes dégoûts. Mais personne ne m'a jamais mis la claque qu'il fallait. Même quand je la réclamais pour calmer une folie passagère.
Alors tant pis.

Je savais un peu au fond de moi, qu'il suffirait que je pose le pied dans Paris pour oublier immédiatement toutes mes réticences. Evidemment qu'il fallait que je sois là-bas ce week-end, cela fait longtemps qu'il le faut maintenant. 
Même si je suis un peu triste malgré moi, ç'aurait été pire si j'étais restée ici. [et il faut absolument que je cesse de me complaire dans un malheur illusoire et sciemment construit comme un cocon.]

(C'est terrible les yeux bleus, quand même.)