Je suis
c'est-à-dire dans l'instant, perpétuelle.
Je pourrais presque maintenant dire "je" sans cesse puisqu'elle est morte et que je me reviens.
Sans bien comprendre comment ni ce qui s'est passé exactement.
Il m'avait semblé en être déjà sortie avoir cessé le cauchemar, avoir réussi à sortir de la spirale.
Et puis, non, c'était une illusion encore. Une erreur. J'avais juste essayé de vivre comme quelqu'un d'autre.
Maintenant c'est définitivement terminé. Il me reste des souvenirs. Tous les souvenirs. Très précis. De toujours à maintenant. Mais il sont froids, comme des cendres. Le goût du malheur en moins. Je l'ai déjà dit.
Le même corps, la même voix, et puis rien d'autre. Juste assez pour que ça ne se remarque pas trop.
J'ai quelques cicatrices en plus. Parce que je n'ai rien trouvé d'autre encore une fois pour faire passer ... . De longues lignes brunes. Donc elle s'effaceront. Ce n'est pas les rayures pâles, le relief évident de mon bras.
Et ça, ça restera. J'ai beau avoir tout effacé, je ne peux pas lutter contre ça.
Alors j'ignore mon corps. Il n'est pas moi.
Je m'efforce de ne pas redevenir un "moi" ancien et délabré. Je n'en ai plus l'âge, n'est-ce pas?
Parce que je ne veux pas finir comme tout ceux-là qui se pavanent dans leur importance, leur connaissance "d'adultes" responsables et pleins de leur expérience et qui ne savent rien, qui n'ont aucune sagesse et qui sont si minables.
J'ai contre eux encore ma rancoeur enfantine.
Donc cesser. Plus de larmes, et je m'en suis très bien sortie cet hiver. Ou presque. Mais j'avais des excuses, j'avais le droit. N'est-ce pas?
Plus de faiblesses, plus de sentimentalisme vaseux et inutile.
Je sors. Je sors de tout ça.
Et j'y croirais presque. Comme une gamine de 13 ans après un premier chagrin d'amour et qui se jure qu'on ne l'y prendra plus.Va, gamine, c'est un peu tard, l'amour quand ça te tombe une fois dessus, tu ne t'en débarrasses pas si facilement. Alors oui sûrement que ça reviendra. Mais plus tard. Dans longtemps. Si je vis longtemps.
Mais bien sûr que je vivrai. J'aurais beau souhaiter mourir chaque soir, rêver de ne jamais me réveiller, je ne ferai rien. Parce que ça en tuerait quelqu'un, et que je ne peux pas, moi, comme ça sans raison, décider de la mort de quelqu'un d'autre. Alors si le prix à payer c'est abandonner ma mort, eh bien allons, j'ai déjà renoncé.
Donc on vivra longtemps. Une fatalité comme une autre. Donc cesser souvent d'être celle que l'on est pour retrouver un semblant de plaisir à la vie.
Parce que là, ça ne me dérange pas tant que ça de me réveiller le matin et de retrouver le monde.